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Langue, genre et durabilité : une étude pluridisciplinaire et comparative de la
communication de développement dans les sociétés traditionnelles
(LAGSUS)
Projet de recherche transdisciplinaire sponsorisé par la Fondation
Volkswagen (Hanovre, Allemagne ) Durée : 2003-2006
www.volkswagenstiftung.de
Motivation et arrière-plan
L’amélioration du rapport entre les coûts d’un projet de développement
et son résultat – donc sa durabilité – présuppose celle de la
connaissance de la gamme totale des facteurs qui entrent en jeu non
seulement lors de sa réception initiale mais encore tout au long de sa
mise en œuvre par les partenaires locaux. Parmi ces facteurs, la
communication entre les agences de développement et ces derniers a
bénéficié, durant la décennie écoulée, d’une attention grandissante,
qui a été à l’origine de l’essor d’une branche de recherche
spécialisée, orientée vers cette problématique (Melcote & Steves
2001). Ce sont les experts en provenance du Tiers monde qui, souvent
plus proches des réalités communicationnelles sur le terrain, ont été
les premiers à percevoir la langue locale comme le maillon manquant
dans la chaîne de cause à effet de la réussite ou de l’échec des
projets de développement (Koné & Sy 1995, Diawara 2002, Nwosu
1995). La seule étude de cas approfondie, traitant de ce sujet sous
forme de monographie, situe, elle aussi, la problématique de la langue
comme facteur de développement dans le cadre empirique de l’Afrique
rurale et multilingue (Robinson 1996). Selon Maurice Tadadjeu (sous
presse), directeur de l’Institut pour la linguistique appliquée NACALCO
à l’université de Yaoundé, si le bilan de quatre décennies de
coopération internationale au sud du Sahara est en deçà des attentes,
cela s’explique en bonne partie par l’eurocentrisme du discours de
développement, accompagné de la négligence des langues locales,
ressource principale dans laquelle l’application quotidienne est
négociée, planifiée et réalisée sur le terrain.
Le projet de recherche LAGSUS (Language, Gender and Sustainability),
adopté par la Fondation Volkswagen en avril 2003 à l’issue d’un
concours concernant les thèmes-clé en sciences humaines, se propose
d’aborder la problématique « Langue locale, multilinguisme et
développement » sous l’angle d’une méthodologie de recherche cohérente
et interdisciplinaire
(voir Description du projet): des enquêtes
locales menées en profondeur sur une période étendue, avec le concours
actif des populations et dans le contexte de projets de développement
rural en cours, devront, en passant par la comparaison des résultats
obtenus dans différentes régions du monde, mener à des hypothèses et
conclusions de portée générale.
Exemple d’étude de cas: les Toura en Côte d’Ivoire
La recherche sur la langue et le développement dans la
communauté toura (Côte d’Ivoire), située dans une partie du monde où le
français est la langue officielle, fournira une première étude de cas
entièrement documentée sur un paradigme naissant de communication de
développement dans un contexte multilingue qui considère la langue
comme une ressource majeure de développement.
Elle devrait permettre d’élucider, entre autre, la nature de ce qu’il a
été convenu d’appeler la durabilité communicationnelle et sa pertinence
en tant que préalable du développement durable.
En ce qui concerne le volet genre, la recherche sur le discours des
femmes devra permettre d’élucider, par exemple, la contradiction
apparente souvent observée dans les sociétés traditionnelles entre,
d’une part, le rôle reconnu globalement (voire même localement) aux
femmes en tant que promotrices du développement, et leur absence du
discours public mené en vue des décisions à prendre en matière de
développement de l’autre. Elle devrait ainsi permettre de mieux cerner
l’incidence de la variable du genre sur la durabilité.
En termes de retombées locales, la recherche menée selon les principes
d’une recherche-action, devra augmenter l’estime de soi de la
communauté-cible, particulièrement important dans le contexte actuel de
crise que traverse le pays, et l’inciter à propager elle- même des
savoirs innovants nécessaires à la survie, tout en offrant aux
générations futures des perspectives socio-économiques intéressantes.
Objectifs du projet global
Le projet global réunit des capacités de recherche de différentes
spécialisations, à savoir linguistique, sociologique et agronomique des
Universités de Kassel, Francfort, Munster et Zurich ainsi que celles de
leurs partenaires en Côte d’Ivoire, en Indonésie, en Namibie et en
Ouganda. Son potentiel innovateur inclut non seulement les résultats
matériels et théoriques escomptés mais également la possibilité d’une
visée commune en vue de la mise au point d’une méthodologie
interdisciplinaire portant sur la durabilité communicationnelle.
Les résultats escomptés pour chaque sous-projet individuel, comparés
aux résultats des projets parallèles menés dans les différentes régions
mentionnées, devra aboutir à l’élaboration d’un catalogue d’indices de
durabilité communicationnelle pouvant être utile aux chercheurs et aux
organismes de développement autant pour la planification que pour la
mise en œuvre et l’évaluation de projets de développement sous l’angle
de leur durabilité.
Ouvrages cités
Bearth, Thomas & Diomandé Fan, 2002. La langue locale – facteur
méconnu du développement. Bioterre. Revue Internationale des Sciences
de la Vie et de la Terre. No spécial. (= Actes du colloque
international sur la Recherche en partenariat pour un développement
durable en Afrique de l'Ouest, Centre Suisse de Recherches
Scientifiques, 27-29 août 2001, Abidjan, Côte d'Ivoire). 344-357.
Diawara, M. 2002. L'interface entre les savoirs locaux et le savoir
universel. Bamako: Éditions Le Figuier.
Koné, Hugues & Jacques Habib Sy (eds.)1995. La communication pour
le développement durable en Afrique. Abidjan: Presses universitaires de Côte d'Ivoire.
Nwosu, Ikechukwu, 1995. Communication et promotion de l'environnement
en Afrique. In: H. Koné & J.H. Sy (éds). 147-165.
Martens, Bertin & Uwe Mummert, Peter Murrell & Paul Seabright,
2002. The Institutional Economics of Foreign Aid. Cambridge: Cambridge
University Press. Foreword: Elinor Ostrom.
Melkote, Srinivas R. & H. Leslie Steeves, 2001. Communication for
Development in the Third World. Theory and Practice for Empowerment.
Thousand Oaks/London: Sage (2nd ed.).
Robinson, Clinton, 1996. Language use in rural development: An African
perspective. Berlin: Mouton de Gruyter.
Tadadjeu, Maurice & Blasius Chiatoh. (in press). The Challenge of
Satellite Communication. in African Languages. In: T. Bearth et al.
(eds.) (in press). African languages in global society / Les langues
africaines à l'heure de la mondialisation. Cologne: Koeppe.
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